Aujourd'hui j'aimerais aborder le sujet spécifique des troubles anxieux lors de l'allaitement.
“Est-ce que mon bébé mange assez ? est-ce qu’il dort assez ? est-ce que c’est normal qu’il dorme uniquement dans mes bras ? est-ce qu’il est en sécurité ? est-ce que je dois le laisser pleurer ? je n’ai pas le courage de sortir il va pleurer et tout le monde verra que je n’y arrive pas. Est-ce qu’il m’aime ? Je ne suis même pas capable de m’en occuper. Je ne suis pas une bonne mère.”
Des pensées qui tournent en boucle, toute la journée. Des difficultés à dormir, alors qu’on est ÉPUISÉE, mais aussi tellement énervée et à bout. Des ruminations et l’impression de se noyer dans une spirale de pensées négatives envahissantes, qui reviennent en permanence. Comme un disque rayé, qui nous répète qu’on ne sait pas faire, qu’on n’est pas assez bien, qu’on est nulle...
Alors que bébé est là, que nos journées devraient être illuminées de sa présence, on se retrouve engluée dans le marasme de pensées envahissantes. La fatigue est écrasante, les nuits hachées, s’occuper d’un petit bébé qui pleure une partie de la journée sans que l’on sache pourquoi, les gestes répétitifs : changer la couche, donner le sein ou le biberon, bercer et recommencer ….et l’isolement.
Les informations contradictoires et les injonctions nourrissent l’anxiété
S'ajoutent les tonnes d’informations contradictoires dont on est bombardée et qu’on essaye de suivre pour être “une bonne mère”:
“ il faut le poser dans son lit éveillé, mais un peu endormi, pour qu’il apprenne à s’endormir seul”.
“ Il ne faut pas trop le porter, ça va lui donner de mauvaises habitudes”.
“Il ne faut surtout pas lui donner la tétine.”
“Pas de biberon : il va faire une confusion”.
“Il faut donner le sein à la demande, mais toutes les 2 h pour que son ventre digère sinon il aura des coliques”.
“Il ne faut pas le laisser pleurer”.
Il faut il faut il ne faut pas…
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L’anxiété, c’est quoi?
D'après le site Ameli (1): “Une personne souffre de troubles anxieux, lorsqu'elle ressent une anxiété qui : se répète ; s'installe dans la durée ;survient sans lien avec un danger ou une menace réels ; crée une souffrance telle qu'elle perturbe durablement sa vie quotidienne.
Les troubles anxieux sont différents de la peur et de l'anxiété passagères :
Une peur passagère est une réaction normale face à une situation stressante comme un examen, un entretien d'embauche ou tout autre évènement auquel il faut faire face.
L'anxiété souvent appelée « angoisse » est une réaction excessive mais passagère à une situation ressentie comme une menace. Elle est vécue comme une appréhension douloureuse à un danger qu'il soit précis ou mal identifié.
Les troubles anxieux sont chroniques, s'expriment de façon différente selon les personnes et sont regroupés en diverses maladies.”
L'anxiété généralisée
Elle associe un état d'inquiétude constant, difficilement contrôlable et durable , concernant au moins deux thèmes différents (travail, argent, santé, avenir...). La personne est en état d'anxiété et de craintes quasi permanent et ses inquiétudes sont disproportionnées par rapport à la réalité des risques. Elle est en état de vigilance extrême vis-à-vis de son entourage et de son environnement Il y aura également différents symptômes physiques (se sentir à bout de souffle, maux de tête, douleurs musculaires, fatigue, insomnies, sueurs, palpitations, nausées, vomissements, diarrhée...).
L’anxiété et le post -partum
En effet, la période du post-partum est propice à l'anxiété: beaucoup de mères se retrouvent dans un état d'hypervigilance, voire basculent dans la dépression du post-partum. Selon les études, entre 8 et 18 % des mères présentent des troubles anxieux après la naissance. (2). Les conditions de naissance peuvent jouer (traumatisme durant ou après l’accouchement) . On constate alors des comportements d’évitement avec une réduction des activités, un isolement, des vérifications multiples (des serrures, des informations, etc)
Comment sortir de la spirale anxieuse
en parler aux professionnels de santé: sage-femme, professionnels de la pmi, médecin
On hésite souvent à évoquer ces pensées négatives. Parfois parce que l’on pense que c’est passager, que cela va aller mieux. Parfois parce que l’on a honte, et que l’on veut être forte, y arriver sans aide. Mais admettre que l’on a besoin d’aide n’est pas une faiblesse : au contraire, c’est un pas vers le mieux-être. Votre professionnel de santé pourra vous accompagner , et vous orienter vers un psychologue ou vous proposer un traitement médicamenteux si nécessaire.
La psychothérapie :
Discuter avec un psychologue permet de faire le point sur les pensées anxieuses. De voir leur répétition, dans quel contexte elles surviennent (fatigue, etc). De les relativiser aussi.
Il n’y a pas de honte à faire la démarche de prendre soin de sa santé mentale: ce n’est pas une faiblesse. La maternité est une période de grands chamboulements et prendre soin de soi et de sa santé mentale va contribuer à l’harmonie au sein de la famille.
Quelques astuces au quotidien
Sortir de la maison
Rester enfermée entre 4 murs avec bébé n’est pas propice à la détente : les pensées tournent en boucle.
L'objectif pourrait être de faire le tour du quartier au moins une fois par jour. Prendre l’air, respirer, admirer les rayons du soleil, aller à la boulangerie. Pas la peine de prévoir une sortie de 3h! Juste 15 min avec bébé dans l’écharpe, histoire d’adresser la parole à un autre adulte dans la journée.
idées de sorties :
les lieux d’accueil parent-enfant : accueil gratuit des parents avec leurs enfants,l’occasion de souffler et discuter avec d’autres jeunes parents
les ateliers maman-bébé: atelier de massage, atelier de portage, séances de yoga
cafés poussettes
les associations de soutien à la parentalité
L'appli Respirelax
Apprendre à maîtriser sa respiration peut aider à calmer son système nerveux. Lorsque l’on est anxieux on a souvent une respiration thoracique et rapide: apaiser la respiration va aider à apaiser le mental. Cette appli guide les respirations pour vous apaiser.
La musique
Se détendre en écoutant une musique, notamment si bébé pleure. C’est dur de calmer un bébé lorsque l’on bouillonne soi-même intérieurement. La co-régulation implique que notre état émotionnel va impacter celui de bébé. Pour apaiser bébé, c’est plus facile si nous sommes nous-mêmes détendues. Écouter une musique douce avec des écouteurs, tout en berçant bébé peut nous apaiser et nous aider à apaiser bébé.
L’activité physique douce : la marche, le yoga
L’activité physique permet de dégager des endorphines qui contribueront à notre état mental également. Une promenade en poussette, un cours de yoga maman-bébé peuvent nous permettre de remettre le pied à l’étrier.
Sociabiliser, trouver du soutien
L’isolement peut être intense lorsqu’on est en congé maternité ou congé parental. Les amies sont au travail, et on ne veut pas les déranger en les appelant. Ou alors on se sent déconnectée de ses proches, dont les conseils nous stressent encore plus …
Cela peut faire toute la différence de discuter avec d’autres jeunes mamans et de se rendre compte que l’on n’est pas la seule à avoir des milliers de questions, à se sentir à côté de la plaque parfois, à naviguer à vue. Nous avons mis en place des cafés visio My Baby Moon pour permettre aux mamans de venir déposer toutes leurs questions, leurs angoisses, et recevoir du soutien.
L'association maman blues est une autre ressource: c’est une association de soutien à la santé mentale des jeunes mamans
L’association Supermamans France permet également de soutenir les jeunes mamans pendant le post-partum
La pleine conscience
La pleine conscience a montré une efficacité sur les troubles anxieux. Elle correspond à l’état de conscience d’une personne qui porte attention de manière intentionnelle et objective à une situation qu’elle est en train de vivre: cela peut être quand on fait la vaisselle ou quand on prend sa douche. Cela consiste à porter attention à tous ses sens: le bruit de l’eau qui coule, la sensation de l’eau sur sa peau: est elle fraîche? est elle chaude? la sensation du savon sur ses mains, observer la mousse, les bulles qui se forment. Sentir l’odeur du savon, etc. Le fait de se raccrocher à tous ses sens permet de ne plus se focaliser sur les pensées. Si les pensées viennent, on les observe, et on revient à nos sensations.
Une baby-sitter (ou une doula) pour prendre soin de soi
Le congé maternité est tellement dévalorisé en France! On a l’impression qu’on devrait profiter comme de “vacances “ de cette période honteusement courte et si l’on finit la journée pas lavée, en pyjama, avec bébé qui hurle on se dit qu’on a clairement raté un truc. Pourtant, la vérité c’est que:
c’est le quotidien de beaucoup de mères en post-partum (même celles qui s’affichent toutes propres et maquillées sur insta)
un bébé c’est un job H24 7j/7 avec très peu de relais : ce n’est pas des vacances
c’est normal d’avoir besoin d’aide et de souffler.
Si on n’a pas sa famille à proximité (ou pas envie d’avoir Belle-maman à la maison!! ) on a le droit de faire appel à une baby-sitter ou une doula qui s’occupera de bébé (et nous amènera un bon repas!). Et pendant 2 h, on pourra prendre soin de soi: prendre sa douche, vernir ses ongles, boire un café sur une terrasse, etc. Sans culpabiliser
NB: FAIRE LES GROSSES COURSES AU SUPERMARCHÉ ne compte pas dans prendre soin de soi.
Les thérapeutiques médicamenteuses
Beaucoup de mères négligent leur santé et leur prise en charge thérapeutique lorsqu'elles allaitent, pensant, à tort, que prendre un médicament n'est pas compatible avec l'allaitement. Pourtant, de nombreux médicaments sont compatibles avec l'allaitement: j'en parle dans cet article, (ainsi que des bases de données dédiées à la compatibilité médicamenteuse et l'allaitement).
Concernant les troubles anxieux, il n’est pas toujours évident de faire le pas vers les traitements…honte, peur de la dépendance, envie d'être "forte" et de s'en sortir seule.
Mais il est notamment possible d’utiliser les médicaments suivants:
les antidépresseurs inhibiteurs spécifiques de recapture de la sérotonine:
Sertraline, escitalopram, paroxetine. Ces médicaments passent peu dans le lait maternel (dose relative de l’enfant autour de 2-3% ou moins).
La fluoxétine passe un peu plus dans le lait et a une demi-vie plus longue aussi elle n’est pas le premier choix, mais on considère qu’elle peut être utilisée si la mère a un historique de traitement efficace avec ce produit.
les antidepresseurs inhibiteurs de la sérotonine et norepinephrine:
C’est une alternative de première ligne aux médicaments précédents : duloxetine, venlafaxine
les anti-depresseurs tricycliques
les benzodiazepines
Ce sont des anxiolytiques qui ont l’avantage d’enlever rapidement les symptômes de l’anxiété. Toutefois, elles peuvent provoquer un syndrôme de dépendance, et de manque.
On évitera les molécules à demi-vie longue comme le diazépam et l'alprazolam ou encore le clonazepam qui peuvent induire une sédation chez le bébé.
On préfèrera l’oxazepam, le lorazepam ou le temazepam qui ont une demi-vie plus courte et pénètrent moins dans le lait maternel.
Lors de l’arrêt de ces traitements un arrêt progressif est recommandé pour éviter un syndrome de manque chez la mère ou l’enfant.
Conclusion
En conclusion, la période du post-partum, notamment lors de l'allaitement, peut être un terreau fertile pour l'anxiété et le stress, en raison des bouleversements physiques, émotionnels et hormonaux que traversent les nouvelles mères.
Entre les doutes permanents, les informations contradictoires, et la fatigue intense, il est crucial de reconnaître que ces sentiments ne sont ni inhabituels ni une preuve d'échec.
Le plus important est de ne pas rester seule face à ces difficultés : solliciter l'aide de professionnels de santé, trouver des ressources de soutien, et surtout, s'accorder du temps pour prendre soin de soi. Que ce soit à travers des pratiques de relaxation, la psychothérapie ou même des traitements médicamenteux compatibles avec l’allaitement, les solutions existent pour apaiser l’anxiété et retrouver un équilibre mental, essentiel pour le bien-être de la mère et du bébé.
Bibliographie
Bonjour c’est super de parler de tout ça, juste quelque chose que j’aurais aimé qu’on me dise plus tôt est que le
Postpartum n’est pas que dans les premiers mois qui suivent la naissance du bébé ! Moi même et certaines de mes amies ont été ‘à bout’ autour des 9-10 mois de nos enfants après des mois à faire face à aux difficultés de jeunes mamans.. alors je ne sais pas si cela qualifie de ‘postpartum’ mais en tout cas c’est bien réel ;)