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Pleurs du bébé: RGO, RGO interne, allergie, ou autre? 

Dernière mise à jour : il y a 6 jours


pieds d'un bébé
bébé

Beaucoup de parents s’inquiètent d’un possible reflux gastro-oesophagien (RGO) en cas de pleurs de bébé ou de régurgitations. Certains m’indiquent que leur bébé est sous traitement par médicament anti-acide et s’interrogent à ce sujet. Ils reçoivent également des informations contradictoires sur la fréquence et le rythme des tétées à proposer à bébé dans ce contexte.

Cet article fait le point à ce sujet, notamment suite aux dernières recommandations de la HAS à ce sujet (1).


Rappel préliminaire: A quoi sert l’acide gastrique? 

La sécrétion d’acide gastrique chez l’enfant est moindre que chez l'adulte : elle débute lorsque le bébé a faim, sent le lait. Lorsque le lait entre dans l’estomac, cela induit le péristaltisme du tube digestif. Dans l’estomac, les sécrétions et l’acide gastrique commencent la digestion des protéines du lait en acides aminés, et activent l’enzyme pepsine qui participe à la destruction et la libération des minéraux (calcium, fer). Puis la relaxation du sphincter inférieur de l’estomac permet le passage dans l’intestin du contenu de l’estomac. L’acide gastrique est donc important car il permet l’absorption de minéraux essentiels, mais aussi car il tue les germes.


  1. Le reflux « normal » : régurgitations


Le reflux est un mécanisme physiologique de remontée du contenu de l’estomac dans l’œsophage après le repas. Le volume régurgité varie beaucoup selon les bébés, avec parfois l’impression que le bébé a régurgité toute sa tétée, et cela peut causer de l’anxiété aux parents.

On observe un pic à 4 mois, avec 50 à 85 % des nourrissons qui ont des régurgitations au moins une fois par jour (2).


Bébé dans le lit avec du lait qui sort de la bouche
Bébé qui régurgite

Mécanisme (3): 

Lorsque bébé boit, la succion induit un relâchement des muscles de la valve inférieure de l’œsophage (la porte de l’estomac s’ouvre). Le lait commence ensuite à être digéré par l’acide de l’estomac, puis passe dans l’intestin. Cela prend environ 45 min pour le lait maternel, et 75 min pour le lait artificiel. 

On explique souvent aux parents que cette valve est immature.

En effet, elle peut aussi s’ouvrir dans d’autres occasions que la succion: 

  • si l’estomac est distendu, par exemple par un volume de repas important. 

  • si bébé a avalé un peu d’air en mangeant très vite (un bébé peut aussi avaler de l’air en pleurant): l’air distend l’estomac, ce qui induit l’ouverture de la valve. 

  • La pression abdominale peut aussi intervenir (si on change la couche après le repas, en cas de toux, de pleurs, de défécation, si les vêtements sont serrés au niveau du ventre).

  • Des petites contractions de la gorge peuvent aussi induire une relaxation de la valve.

  • Enfin la gravité peut jouer: le reflux sera plus fréquent chez un bébé allongé que chez un adulte qui se tient à la verticale.

Le volume, la consistance , la couleur des régurgitations pourra varier , et certains bébés vont pleurer (car c’est inconfortable) après avoir régurgité, ou demander à téter sans que cela soit pathologique.


2. Le reflux pathologique du nourrisson


Le reflux pathologique est défini comme la présence de symptômes associés au reflux.

Comme indiqué dans le document de la HAS (1): Les symptômes sont non spécifiques. Les principaux signes évocateurs sont:

  •  des régurgitations persistantes ou excessives associées à un refus de s’alimenter,

  •  des pleurs persistants inhabituels, 

  • une irritabilité lors de l’alimentation,

  •  un retard de croissance ou des troubles du sommeil. 

La has précise “Une irritabilité ou des pleurs excessifs, mais restant isolés, ne doivent pas conduire à un diagnostic de RGO pathologique chez l’enfant de moins d’un an, d’autant plus que son développement est par ailleurs normal “ .


2.1 Diagnostic: 

La HAS distingue le reflux physiologique du reflux pathologique en fonction de l’âge d’apparition, de la visibilité et de la temporalité des régurgitations (si elles ont lieu à distance du repas ou non), de l’appétit, de la courbe de croissance, et des signes d’alerte: 

  • du sang dans les régurgitations (hématémèse) évoquant une œsophagite par reflux (inflammation de l’oesophage) ; 

  • une perte de poids ; 

  • des difficultés d’alimentation (refus de s’alimenter) ou un ralentissement de la croissance associé(es) à un changement de comportement tel que pleurs ou irritabilité persistant(e)s et inhabituel(le)s ; 

  • l'apparition de régurgitations excessives après l’âge de 6 mois ou leur persistance au-delà de l’âge d’un an.


Le diagnostic par examen complémentaire (type Ph Métrie) est rarement nécessaire chez l’enfant de moins de 1 an.


2.3 Prise en charge et  Traitements 


2.3.1 Prise en charge non médicamenteuse


En cas de régurgitations, il est proposé les mesures suivantes: (4)

  • donnez des repas moins abondants et plus fréquents

  • faites des pauses lors des tétées pour permettre à votre bébé de faire un rot. Il pourra ainsi mieux évacuer l’air qui distend son estomac et favorise les régurgitations

  • essayez de ne pas coucher votre bébé immédiatement après la prise du biberon, attendez qu'il ait fait un rot ;

  • lorsque vous le mettez dans son lit, couchez-le sur le dos. Il n’est plus recommandé d’incliner le lit de votre enfant en surélevant la tête du lit, cela ne diminue pas les régurgitations ;

  • dans la journée, évitez de laisser votre bébé assis dans un siège-relax (transat) ou un siège-auto, cette position qui comprime l'estomac aggrave le reflux.


Fréquence des tétées :  Certains professionnels de santé recommandent d’espacer les tétées “pour éviter que bébé ne soit en permanence en train de digérer et pour que l’oesophage cicatrise”.

Or Le lait est une substance tampon: il neutralise l’acide. Dans les 2 h après un repas l’acidité gastrique est neutralisée par l’effet tampon du lait (3).

Ces données rejoignent les recommandations Françaises (1,4) et anglaises (5) qui proposent de faire des petits repas plus fréquents en cas de reflux.


  • Les épaississants: à base de caroube, ou d’amidon, ou lait artificiel anti-régurgitation AR

Les épaississants peuvent diminuer la fréquence des régurgitations et améliorer la prise de poids (2,6) mais n’améliorent pas les scores d’acidité selon les études.  Les effets sur les pleurs et l’agitation ne sont pas clairs. 

La HAS indique: “Si les régurgitations sont toujours gênantes malgré la réassurance et la mise en œuvre des premières mesures hygiéno-diététiques sur une période d’au moins deux semaines, il est conseillé d’épaissir la préparation pour nourrisson pour les enfants nourris au biberon”.


Il arrive que l’on voit des bébés allaités pour lesquels on a indiqué aux mères de donner un épaississant (ex:du Gumilk) avant la tétée pour épaissir  le lait maternel dans l’estomac, ou de tirer leur lait pour l’épaissir.

La revue Cochrane de 2017 (2) indique qu’il n’est pas possible d’évaluer pour les bébés allaités si ces épaississants ont un intérêt (puisque les études sont réalisées chez les nourrissons nourris au lait artificiel). 

De même, pour les bébés allaités, la HAS mentionne : “Il n’y a pas d’indication à ajouter des biberons de lait épaissi chez les nourrissons exclusivement allaités, ni de tirer le lait de la mère pour l’épaissir.”  


2.4.2 Prise en charge médicamenteuse


  • les anti-acides: le Gaviscon ®(alginates) : La HAS indique “En cas de suspicion de RGO pathologique après échec des mesures hygiéno-diététiques, un essai à base d’alginate de sodium en suspension buvable peut être proposé sur une courte durée, 1 à 2 semaines maximum, bien que les preuves de son efficacité soient limitées.”

  • les anti-sécrétoires gastriques: les anti H2 ranitidine (Azantac®, Raniplex®), les inhibiteurs de la pompe à protons IPP (Mopral®, Inexium®)


Une revue Cochrane de 2023 (7)  a évalué l’efficacité de ces traitements dans le cadre du reflux: On observe un effet placebo , et la conclusion est qu’il y a un doute sur le bénéfice apporté par ces médicaments. Ainsi la has indique « L’efficacité des inhibiteurs de la pompe à protons n’a pas été prouvée sur le reflux du nourrisson. »


Par ailleurs, ces médicaments ont des effets indésirables.

  •  Du fait de la diminution de l’acidité: il y a un risque d’augmentation du  risque infectieux, notamment au niveau pneumologique et gastro-entérologique  (6,8) 

  • Pour le Gaviscon, il y a un risque de constipation, 

  • Pour les IPP la HAS mentionne des maux de tête, nausées et  troubles digestifs (1)

  •  Il y a également une possible augmentation du risque d’allergies (9).

  • un possible risque  de fractures (3). 


Ainsi, différentes autorités médicales (1,6) proposent  de recourir à ces médicaments uniquement lorsque cela est justifié et des examens complémentaires peuvent être prescrits  pour confirmer le diagnostic de RGO pathologique.

En Angleterre on  propose pour les enfants allaités de faire réaliser une évaluation de l’allaitement par du personnel formé avant d’envisager le traitement.  (5)


3. Est-ce vraiment un reflux pathologique? Les autres causes possibles


Comme indiqué précédemment,  certains signes de reflux pathologique (pleurs et irritabilité) sont peu spécifiques et peuvent également être observés dans d’autres situations:


3.1 L’Allergie aux protéines de lait de vache

Elle peut entraîner les mêmes symptômes qu'un RGO pathologique. Son incidence est de 2 à 3 % pendant la première année de vie (1).  L’historique familial et la présence d’autres signes (eczéma, diarrhée, sang dans les selles par exemple) peut orienter le diagnostic. En pratique, le diagnostic se fait souvent par une éviction-réintroduction des protéines de lait de vache (si le bébé est allaité ce sera un régime d’éviction chez la maman). Les recommandations de la HAS sont d’essayer un régime d’éviction chez la mère (ou d’utiliser un lait industriel spécial allergie) , et en l’absence d’efficacité au bout de 2-4 semaines de revoir le diagnostic.


3.2 La conduite de l’allaitement en cas de pleurs fréquents dans le cadre d’une prise de poids lente.

Revoir la conduite de l’allaitement peut être nécessaire. La plupart des bébés tètent les deux seins entre 8-12 fois par 24 h minimum, et si le nombre de tétées est inférieur, et que l’on a proposé aux parents d’espacer les tétées pour que bébé ne soit pas en train de digérer en permanence: il se peut que bébé pleure de faim, d’autant plus si la prise de poids est inférieure à 30 g/j.

Bébé allongé en pleurs
Bébé qui pleure

3.3 Une lactation très abondante (avec surcharge en lactose)(3,9) 

Elle peut entraîner des régurgitations fréquentes, des pleurs après la tétée (voir même durant la tétée), des tétées très fréquentes. Dans ce cadre l’utilisation d’alginates va réduire les régurgitations qui auraient soulagé le bébé, et il sera plus inconfortable. Un ajustement de la lactation permettra d’améliorer les symptômes.


3.4 Une cause physiologique pour les pleurs du bébé, les réveils fréquents et les régurgitations

qui sont souvent les symptômes orientant le diagnostic de reflux chez le nourrisson. 


L’IBCLC Carol Smyth (3) évoque une autre interprétation de ces signes. Les pleurs peuvent correspondre à une phase développementale : le *PURPLE Crying, qui est observé chez 1⁄5 eme des bébés, surtout le deuxième mois, moins du 3eme au 5eme mois. En France on parle plutôt de pleurs du soir, pleurs de décharge ou de manière erronée de “ coliques “ ce qui fait penser à une cause digestive.

*PURPLE:P pour peak (pic de pleurs) , U pour unexpected (inattendu, les pleurs arrivent puis repartent sans que l’on sache pourquoi) , R pour Resist Soothing (on n’arrive pas à consoler bébé), P pour pain (le bébé qui pleur a l’air d’avoir mal, même si ce n’est pas le cas) , L  pour long -lasting (longues périodes de pleurs quotidiennes, parfois Jusqu’à 5 h/j), et E pour  evening (plus fréquents le soirs).


Le Dr Pamela Douglas (9), dans l’approche du Neuroprotective Developmental Care, évoque une période de grande neuroplasticité de 1 à 4 mois, lorsque le cerveau est en pleine maturation. Les pleurs de bébé peuvent être déclenchés très facilement, parfois même par des déclencheurs très légers en raison d’une sensibilité particulière de la réponse au stress. Le bébé peut rester “coincé” dans la spirale des pleurs et de l’activation de son système nerveux,  même une fois que les déclencheurs ont été supprimés. Par exemple, un enfant qui aurait des difficultés à prendre le sein, peut continuer à pleurer plusieurs semaines après que le problème d'alimentation ait été résolu.

Les pleurs chez les nourrissons peuvent être à l'origine des régurgitations (6)=>c’est donc les pleurs qui causent les régurgitations et non le reflux qui cause les pleurs.

Elle rajoute que les régurgitations fréquentes peuvent être normales en cas de trop-plein par rapport à la taille de l’estomac de bébé. 

Selon elle, le fait de se cambrer en arrière et de pleurer lorsque l’on est posé sont des comportements normaux du nourrisson qui a un besoin de contact intense. 

Le fait de se cambrer en arrière et de pleurer lors de la tétée peut également avoir des causes variées (instabilité au sein, conditionnement négatif si on a insisté pour mettre bébé au sein).

De même, les réveils fréquents la nuit sont normaux, et les bébés ont un besoin d’une grande proximité jour et nuit. Beaucoup de bébés dorment mieux à proximité d’un adulte que dans leur lit. Le stress de ne pas être à proximité immédiate de l’adulte peut entraîner des pleurs, et des régurgitations. 

La contagion émotionnelle (co-régulation) peut également intervenir:  le bébé a besoin d’un adulte apaisé pour s’apaiser . Or avoir un bébé qui pleure beaucoup génère du stress et de l’anxiété chez les parents, ce qui par la suite n’aide pas le bébé à se calmer, entraînant un cercle vicieux. Tenir compte de ce paramètre dans les pleurs vous permet de prendre du recul pour vérifier votre ressenti face à ces pleurs et de mettre en place des stratégies de régulation de vos émotions:

*si vous êtes bouleversée et à bout: mieux vaut confier bébé à une autre personne ou  poser bébé dans son lit et aller prendre l’air, faire des respirations profondes, vous faire une tisane, avant de revenir vous occuper de lui .


Pamela Douglas envisage aussi une autre possibilité: Certains bébés auront tendance à pleurer par manque de stimulation sensorielle. Même passer d’une pièce à l’autre peut être peu stimulant pour un bébé très éveillé qui peut se mettre à pleurer (puis régurgiter). Prévoir des activités,  faire des sorties, avec bébé en porte-bébé ou en poussette permet souvent de calmer les pleurs.



En conclusion

les pleurs du bébé et les régurgitations peuvent inquiéter les parents et leur faire penser à un RGO pathologique alors que les causes peuvent être multiples, et physiologiques.

Les recommandations récentes de la Haute Autorité de Santé sont de mettre en place un traitement uniquement après confirmation du diagnostic par des examens complémentaires.

Dans le cadre de l’allaitement, il est parfois possible d’améliorer les pleurs et régurgitations en revoyant la conduite de l’allaitement .


Pour un accompagnement personnalisé aux pleurs de bébé et à l’allaitement vous pouvez prendre rdv (je suis formée avec le Dr Pam Douglas)

Disclaimer: Cet article a pour but de fournir des informations générales et ne se substitue en aucun cas à un avis médical. Il est essentiel de consulter un professionnel de santé pour toute question relative à votre situation personnelle.



Bibliographie

  1. HAS .Reflux gastro-œsophagien chez l’enfant de moins d’un an : définitions, prise en charge et pertinence des traitements pharmacologiques, Fiche de bonne pratique  et fiche à destination des parents 

  2. Kwok T, Ojha S, Dorling J. Feed thickener for infants up to six months of age with gastro-oesophageal reflux. Cochrane Database of Systematic Reviews 2017, Issue 12. Art. No.: CD003211. DOI: 10.1002/14651858.CD003211.pub2

  3. Ouvrage « Why infant reflux matters » de Carol Smyth 

  4. Site Ameli. RGO du nourrisson : le diagnostic et le traitement.  2022 

  5. Davies I, Burman-Roy S, Murphy MS; Guideline Development Group. Gastro-oesophageal reflux disease in children: NICE guidance. BMJ. 2015 Jan 14;350:g7703. doi: 10.1136/bmj.g7703. PMID: 25591811; PMCID: PMC4707563.

  6. Société canadienne de pédiatrie 2022 La prise en charge médicale du reflux gastro-œsophagien chez les nourrissons en santé

  7. Tighe MP, Andrews E, Liddicoat I, Afzal NA, Hayen A, Beattie RM. Pharmacological treatment of gastro-oesophageal reflux in children. Cochrane Database of Systematic Reviews 2023, Issue 8. Art. No.: CD008550. DOI: 10.1002/14651858.CD008550.pub3.

  8. Lassalle M, Zureik M, Dray-Spira R. Proton Pump Inhibitor Use and Risk of Serious Infections in Young Children. JAMA Pediatr. 2023 Oct 1;177(10):1028-1038. doi: 10.1001/jamapediatrics.2023.2900. PMID: 37578761; PMCID: PMC10425862.

  9. Douglas PS. Diagnosing gastro-oesophageal reflux disease or lactose intolerance in babies who cry a lot in the first few months overlooks feeding problems. J Paediatr Child Health. 2013 Apr;49(4):E252-6. doi: 10.1111/jpc.12153. Epub 2013 Mar 15. PMID: 23495859

  10. Douglas P, Geddes D. Practice-based interpretation of ultrasound studies leads the way to more effective clinical support and less pharmaceutical and surgical intervention for breastfeeding infants. Midwifery. 2018 Mar;58:145-155. doi: 10.1016/j.midw.2017.12.007. Epub 2017 Dec 14. PMID: 29422195.



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