Récemment j’ai eu en consultation des parents d’un bébé de 5 mois, allaité, qui se réveillait 1 à 2 fois la nuit pour téter. Mais la difficulté venait du sommeil la journée: car bébé ne faisait que des “siestes de contact” dans le porte-bébé, et pleurait si on essayait de l’endormir dans son lit. C’est pourtant ce que le médecin et la nounou ont recommandé, pour “donner un cadre à bébé”.
Alors l’endormissement autonome est-il crucial à 5 mois ?
Le sommeil du bébé est une question centrale pour de nombreux parents, et énormément d’informations contradictoires sont à leur disposition : internet, réseaux sociaux, entourage, …
L’immaturité du cerveau et les réveils nocturnes
Le cerveau d’un bébé est en plein développement durant ses premières années de vie.
Un bébé naît avec un cerveau qui a une taille de 25% de la taille du cerveau adulte : cela explique sa grande immaturité. En comparaison, le bébé chimpanzé à la naissance a un cerveau de 45 % de la taille de celui de l’adulte.
Cette petite taille du cerveau est indispensable au bébé pour pouvoir passer à travers le bassin étroit de la mère (la bipédie a rendu le bassin étroit).
Contrairement à d’autres espèces, le petit humain est donc en situation de complète dépendance : incapable de se déplacer, de se nourrir seul, avec un système immunitaire immature. Les bébés primates (dont le bébé humain) dorment dans les bras de leurs mères, et ce contact physique constant assure que le lien physiologique et émotionnel s’établisse entre la mère et son bébé.
Contrairement aux adultes, les cycles de sommeil des bébés sont plus courts, environ 50 à 60 minutes, avec des phases de sommeil léger durant lesquelles ils se réveillent facilement. Ces réveils nocturnes sont normaux et sont en partie dus à l’immaturité de leur système nerveux, qui n’est pas encore capable de réguler les longues périodes de sommeil profond.
De plus, ces réveils jouent un rôle protecteur : ce mécanisme de réveil régulier est une protection contre le syndrome de la mort subite du nourrisson, car il permet au bébé de maintenir une certaine vigilance physiologique.
=> Cela fait partie des mécanismes naturels du développement infantile, et ce n’est pas une anomalie qu’il faudrait "corriger".
Le besoin de proximité : une réponse naturelle pour un petit mammifère
Le besoin intense de proximité qu’éprouvent les bébés est un comportement naturel chez les petits mammifères.
Le lait maternel se digère très rapidement, ce qui nécessite des tétées fréquentes, y compris pendant la nuit.
Au-delà de l’alimentation, la proximité avec les parents assure un sentiment de sécurité émotionnelle et physique essentiel pour le bon développement de l’enfant. => Pour un petit mammifère, être éloigné de son parent peut correspondre à un danger (le froid, un prédateur, la faim) et un risque vital.
Dormir près de ses parents ou être porté ou allaité procure au bébé un sentiment de sécurité, lui permettant de réguler sa température, son rythme cardiaque et sa respiration.
Ce besoin de contact, particulièrement fort au cours des premiers mois de vie, reste parfaitement normal même à cinq mois. À cet âge, il est encore fréquent pour un bébé de vouloir être bercé, allaité, porté, ou d'avoir un parent à proximité pour s'endormir. Ce n'est pas un signe de dépendance excessive, mais une réponse biologique naturelle à son stade de développement.
Le contact corporel, le toucher, les massages sont importants dans le développement du bébé (j’en parle dans cet article)
L'évolution des pratiques pédiatriques explique la croyance que le bébé doit être autonome
Au cours du XIXe puis du XXe siècle dans la société occidentale, les soins aux enfants ont considérablement évolué : le mouvement hygiéniste avec la découverte des microbes et la volonté de réduire la mortalité infantile, les premiers traités de pédiatrie où l’on prône un éloignement de l'enfant et des méthodes rigides pour habituer les bébés à dormir seuls et à des horaires précis. Ces méthodes, souvent associées à des périodes de pleurs prolongées, étaient justifiées par l'idée que l'autonomie du sommeil était essentielle pour le développement de l'enfant. Cependant, les recherches récentes en neurosciences et en psychologie du développement ont remis en question ces pratiques. Elles soulignent l'importance du lien d'attachement sécurisant pour le développement émotionnel et cognitif de l'enfant.
Dans de nombreuses cultures, les bébés sont accompagnés pour le sommeil et partagent le lit de leur parent ou sont portés dans la journée, pendant plusieurs années
.
L'endormissement autonome : une stratégie d’apprentissage
L’endormissement autonome, qui consiste à ce qu’un bébé s’endorme seul sans aide extérieure, est souvent considéré comme un objectif à atteindre pour favoriser l’indépendance du sommeil.
On voit fleurir sur les réseaux sociaux des conseils de coachs en sommeil pour favoriser “l’accompagnement au sommeil” avec des rituels et des routines pour que bébé apprenne à dormir seul.
Pour certains bébés, cela fonctionnera…et pour d’autres, non.
Car le tempérament de l’enfant, son histoire (quelle naissance? physiologique ou césarienne en urgence? ) et celle de la maman (quel vécu lors de la grossesse? ) peuvent également entrer en jeu.
Le sommeil est une fonction physiologique qui intervient lorsque la pression du sommeil est suffisante. L'endormissement autonome est une stratégie d'apprentissage que l’on peut enseigner, mais elle n’est pas un réflexe naturel.
Les méthodes d'apprentissage comme les approches avec lesquelles on laisse pleurer le bébé (type 5-10-15), où on éloigne progressivement sa chaise du lit de bébé, ou l'endormissement autonome, peuvent générer beaucoup de stress, non seulement chez le bébés, mais aussi chez les parents (j’en parle dans cet article) .
Ces stratégies sont :
énergivores : elles nécessitent un investissement en temps, en énergie des parents beaucoup de charge mentale, beaucoup de temps pour les mettre en place)
stressantes : elles peuvent entraîner des pleurs prolongés, ce qui est une source de stress émotionnel pour toute la famille.
Les pleurs sont souvent interprétés comme un "manque de discipline", alors qu’ils sont simplement une forme de communication par laquelle le bébé exprime un besoin non satisfait, souvent celui de proximité et de réconfort.
Répondre aux besoins des bébés : clé d'un lien d'attachement sécure
Les différents types d'attachement
La théorie de l'attachement, développée par John Bowlby, met en évidence l'importance de la relation entre le bébé et son principal soignant. Les différents types d'attachement (sécurisant, insécure-évitant, insécure-ambivalent, désorganisé) ont un impact durable sur le développement de l'enfant. Un attachement sécurisant, favorisé par une réponse sensible et régulière aux besoins du bébé, est associé à une meilleure estime de soi, à des relations sociales plus harmonieuses et à une meilleure capacité à réguler ses émotions.
Répondre aux besoins de proximité et de réconfort des bébés n’est pas seulement bénéfique à court terme pour leur sommeil. C’est également un fondement crucial pour le développement d’un lien d'attachement sécure. Un attachement sécure se forme lorsque le bébé sait que ses parents répondent de manière sensible et régulière à ses besoins. Il y a beaucoup de confusion pour bébé lorsqu’un parent répond parfois seulement à ses pleurs: oui s' il se cogne, et non s' il est l’heure de s’endormir.
La réalité de notre quotidien surchargé
En théorie, les conseils sur le sommeil des bébés sont précieux, mais en pratique, les parents et les nounous se retrouvent souvent face à des contraintes multiples qui les empêchent de passer tout leur temps à bercer bébé pour l’endormir. Il est donc utile d'inviter les parents à se reconnecter à leur instinct. Au-delà des conseils de la grand-mère ou des recommandations de la voisine, quel est leur ressenti lorsque bébé pleure ? Ressentent-ils le besoin de le câliner ? Préfèrent-ils le laisser pleurer ? Éprouvent-ils de la colère ou de la frustration à cause de l’interruption d’une tâche en cours ? Il est important de reconnaître ces émotions et de trouver des solutions adaptées. Par exemple, le portage, notamment dans le dos lorsque bébé grandit, est une excellente option : il permet aux parents de répondre au besoin de proximité de leur enfant tout en poursuivant leurs activités quotidiennes.
Conclusion
Le sommeil du bébé est un sujet complexe qui suscite de nombreuses questions et émotions : la fatigue des jeunes parents, et l’épuisement sont réels, favorisés par le manque de soutien dans une société où la cellule familiale est souvent isolée et où le congé maternité est évidemment trop court .
Les réveils nocturnes fréquents, le besoin de proximité et la difficulté à s’endormir seul peuvent sembler déroutants, mais ils sont en fait …. normaux. Ces comportements sont enracinés dans la physiologie du sommeil de l’enfant et sont liés à son développement neurologique, émotionnel et relationnel.
Il est important de se rappeler que chaque bébé est différent et que les besoins en matière de sommeil évoluent au fil du temps. Forcer un bébé à s'endormir seul trop tôt ou ignorer ses pleurs peut être source de stress pour l’enfant et les parents.
Bibliographie
Ouvrage attached at the heart
Sweet sleep
Résumé simplifié
- Un bébé de 5 mois se réveille la nuit pour téter et a du mal à dormir seul pendant la journée.
-On vous recommande de l'habituer à dormir seul, mais ce n'est pas toujours facile.
- Le cerveau du bébé est encore en développement, donc il se réveille souvent la nuit. C’est normal.
- Les réveils nocturnes aident à protéger le bébé contre des dangers comme la mort subite du nourrisson.
- Les bébés ont besoin de rester proches de leurs parents pour se sentir en sécurité.
- Être proche de ses parents aide le bébé à se sentir bien et à mieux grandir.
- Dans certaines cultures, les bébés dorment souvent près de leurs parents pendant plusieurs années.
- Apprendre à un bébé à dormir seul est possible, mais cela peut être difficile et stressant pour les parents et le bébé.
- Il est important de répondre aux pleurs du bébé, car c'est sa façon de dire qu'il a besoin de quelque chose.
- Chaque bébé est différent, et c’est normal si certains bébés ont plus de mal à dormir seuls.
=>le besoin de proximité chez un bébé est normal et que cela fait partie de son développement naturel.
Disclaimer: Cet article a pour but de fournir des informations générales et ne se substitue en aucun cas à un avis médical. Il est essentiel de consulter un professionnel de santé pour toute question relative à votre situation personnelle.
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